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Photo Ulrich Lebeuf

Photo Ulrich Lebeuf

A Toulouse, depuis mi-octobre 2017, de jeunes migrants mineurs isolés squattent un ancien hôtel de passe, en attente d'un statut ou d'un accueil pérenne, accompagnés dans leurs démarches par un collectif composé de près de 100 bénévoles, AutonoMIE.

Je suis depuis le mois de décembre 2017, accompagné du photographe Ulrich Lebeuf, l'évolution de la vie dans ce lieu : l'organisation quotidienne, le travail des bénévoles, comment s'y nourrir, comment répartir les chambres en tenant compte d'un turn-over important. J'y ai recueilli les témoignages de nombreux de ces jeunes, sur leurs parcours respectifs (parfois longs de trois ans !), sur leurs galères, leurs espoirs. Pourquoi sont-ils partis de leur pays, dans quel but, dans quelles conditions ?

L'idée est de décrire cette situation, nourrie de nombreux témoignages, et de suivre ensuite leurs trajets respectifs. Vont-ils obtenir des papiers, être scolarisés, accueillis en foyer, ou bien rejetés à la rue...?

J'ai rencontré des jeunes venant de villages africains (notamment au Mali et au Sénégal), dans lesquels je me suis rendu il y a une quinzaine d'années. Je souhaite donc également faire un voyage dans ces zones, pour y décrire le quotidien, la misère, la guerre... Mais aussi tenter de partir à la rencontre de leurs familles, de leur parents pour les faire témoigner : "Ici-là-bas"

 

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L'hôtel L'étoile de Tunis, c'est un ancien hôtel de passe coincé au fond d'un cul de sac au Nord de Toulouse, juste avant la rocade. Un quartier quasi abandonné, sombre, quelques usines fermées et des pavillons d'un autre âge. Le soir, seules quelques prostituées arpentent encore le trottoir. Un décor digne des films noirs des années 1960. Fermé pour mettre fin au commerce sordide tenu par des maquereaux des pays de l'Est, le lieu a été racheté par Toulouse Métropole. Depuis mi-octobre 2017, des dizaines jeunes migrants mineurs étrangers (MIE) y sont logés, dans des conditions très précaires, sur deux étages pour trente-cinq chambres aux murs décatis.

 

Ils sont accompagnés par le collectif toulousain AutonoMIE (MIE pour « Mineurs Isolés Etrangers »), constitué en avril 2016, et qui rassemble à ce jour près de 100 bénévoles - travailleurs sociaux, infirmiers, instituteurs ou professeurs à la retraite, familles d'accueil, avocats, psychologues...- autour d'un noyau dur de sept à huit personnes qui se relaient à « L'étoile de Tunis ». Ces jeunes en provenance de Côte d'Ivoire, Mali, Guinée-Conakry ou Cameroun se retrouvent à la rue par manque de structures d'accueil. Cela révèle la difficulté pour les collectivités et l'Etat de trouver des solutions, et des budgets, pour accueillir ces jeunes, sans statut officiel.

 

Le cas des jeunes migrants est discuté en ce moment au sommet de l'Etat : qui, des départements ou des préfectures, doit les prendre en charge ? A ce jour, l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) est assurée par les départements, et concerne les mineurs français mais aussi étrangers. Avec l'afflux de ces migrants, certains présidents de départements refusent de continuer à s'occuper des étrangers mineurs, notamment pour leur accueil en foyers. Les DDAEOMI (Dispositif Départemental d'Accueil, d'Evaluation et d'Orientation des Mineurs Isolés) ont été créés ponctuellement pour l'accueil et l'évaluation, essentiellement pour définir les parcours et l'âge véritable des ces jeunes. Avec le manque de places, et de budgets (l'Etat présentera un nouveau plan au printemps), beaucoup se retrouvent donc à la rue après des parcours hors-norme. Sans une chaîne de solidarité, que deviendraient-ils ?

 

Ce sont tous des enfants polytraumatisés, esseulés, qui ont dû quitter leurs familles, voyager avec des passeurs, ont traversé le désert ou la Méditerranée, dans des conditions parfois dantesques.

Nous sommes entrés en confiance avec eux et avec AutonoMIE, ils parlent plus longuement, afin de revenir en détail sur ces voyages vers la France, sur leurs espoirs. Beaucoup sont passé par ces fameux camps en Libye, révélés il y a peu, et y ont été enfermés, torturés, vendus comme esclave...

 

L'idée est donc de réaliser des portraits dans plusieurs chambres, le plus possible, en recueillant les témoignages. Mais aussi de parler de la vie du squat : pression des « mac » qui ont vu l'hôtel fermer (nous sommes dans un ancien hôtel de passe, mais la prostitution perdure dans le quartier), organisation de la vie quotidienne, cours scolaires, santé, démarches administratives, organisation du collectif...

L'hôtel et ses occupants n'ont pas été expulsés.  des négociations avec le conseil départemental et la mairie sont en cours, pour éventuellement pérenniser le lieu.

Sous la forme d'un reportage-récit, mêlant entretiens, ambiances et chiffres-clés sur cette problématique, je me propose de raconter, à travers l'expérience de ce lieu, l'une des problématiques majeure de ces temps : comment accueillir, aussi dignement que possible, le raz-de-marée annoncé d'une jeunesse africaine qui rêve toujours d'Europe.
 

Dans ce sens, l'idée de se rendre dans au moins un pays concerné, me semble primordiale pour aborder les désirs croisés, les liens entretenus, les raisons invoquées pour entreprendre de tels voyages.

Un long reportage au Sénégal au mois de septembre 2018 est prévu. Pour tenter de remonter sur les traces de ces jeunes, de décrire leur situation ici, et là-bas.


 

Toulouse, Mars 2018

Philippe Gagnebet

Photos : Ulrich Lebeuf/ agence MYOP

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Ce synopsis a été déposé au Centre Régional des Lettres de la région Occitanie dans le cadre de la bourse à l'écriture 2018. et a obtenu une "Bourse d'excellence " . D'autres financements seront bien évidemment nécessaires pour mener à bout le projet. D'autres partenaires éventuels seront contactés.
Les maisons d'édition visées sont Actes Sud, Editions Anarchasis, Editions Autrement...

Les reportages au Sénégal et Guinée Conakry sont prévus en septembre 2018
CV et anciennes publications des deux auteurs disponibles à la demande.

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